Il y a quelques années de cela, nous étions tous dans cet engouement qu’avait apporté le « printemps arabe ». Tout le monde en parlait : c’était la bonne nouvelle de l’année 2011. La Tunisie avait ouvert le bal, puis l’Egypte, puis la Libye, et aussi le Yémen, la Syrie, l’Arabie Saoudite et même la Chine ! C’est comme si le courage qu’avait eu le peuple tunisien en sortant de sa routine pour demander plus de liberté et de droits, avait été un acte reconnu partout dans le monde. Tous aspiraient à plus que ce qu’ils avaient.
Et nous, « l’Occident », nous observions tout cela, derrière nos écrans. Attendant avec impatience ce qui allait se produire. Comme si tout allait très bien de notre coté. Finalement, plusieurs présidents sont tombés mais beaucoup de citoyens aussi… D’autres figures ont pris leur place mais cela n’a pas pour autant arrêter ces mouvements de masse, ces sortes de révolutions qui n’ont pas vraiment aboutis…
Ce que l’on a oublié, c’est que chez nous, nous avions eu droit aussi à nos manifestations. En Grèce par exemple, où les représentants de l’ordre n’ont pas hésité à utiliser les armes contre leurs propres citoyens. Un rapport d’Amnesty International ciblait d’ailleurs les violations des droits de l’Homme par les autorités en place durant ces rassemblements. C’était aussi le cas en Espagne ou encore en Islande. Ils avaient clairement été inspirés par ce qui se passait dans les différents pays cités plus haut. On appela ce phénomène : le mouvement des indignés. C’est exactement le terme qui représente ce que l’Homme souhaite : une vie digne. Et lorsqu’on ne lui offre pas les moyens d’obtenir cette dignité, il faut s’attendre à ce qu’il la réclame.
Chaque pays a sa propre histoire, son système politique distinct. Aussi, nous ne pouvons pas comparer toutes ces nations de la même manière. Mais ce qui est certain : c’est que plusieurs populations ont été étouffées dans leur élan vers le changement. L’Arabie Saoudite par exemple, a augmenté les salaires de ses citoyens et intervient actuellement au Yémen militairement, s’ingérant dans les affaires d’un autre Etat que le sien. En Egypte, nous avons eu droit à un coup d’Etat de l’armée après la révolution. C’est donc un an après le règne du président Morsi, que l’on mettait à nouveau en place le même système qu’avant la révolution, sortant encore les égyptiens sur la place Tahrir mais aussi l’apparition de condamnations à mort de civils ou d’un dirigeant récemment déchut. En Syrie, plusieurs acteurs externes régionaux et internationaux ont retiré tout le sens initial des protestations de base des syriens, développant chez le voisin irakien notamment, l’apparition d’un acteur sans foi ni loi, les fameux Daesh. Nous l’avons dis, il y a une analyse particulière à développer pour chacun de ses pays. Mais ce qui est certain, c’est qu’il y a eu des décisions pour ces différentes nations qui ont été prises en dehors des peuples concernés à travers notamment les différentes interventions étrangères ou le financement de tel ou tel groupe actif au sein des territoires en crise.
C’est donc sans étonnement que l’on peut observer l’incapacité d’organisations humanitaires devant tant de troubles et de déplacement. En effet, les pères des différentes nations en crises n’ont pas été capables de protéger leurs enfants, ces citoyens par millions qui ont fuis de force leur maison pour se retrouver en grande majorité, au sein des territoires voisins. Ces jeunes enfants dorénavant orphelins, devront demander grâce à d’autres parents et malheureusement, il ne s’agit pas que d’une métaphore, car la majorité de ces réfugiés, sont réellement des enfants. Ainsi, le Haut-Commissariat pour les réfugiés parle de 60 millions de déplacés dans le monde, en Syrie et en Afghanistan principalement.
Aussi, il est intéressant d’observer les réactions européennes par rapport à la question de l’immigration et la mort tragique des milliers de migrants provenant d’Afrique, il y de cela quelques mois. A vrai dire, il s’agirait surtout de la « non réaction » des politiques face à l’Humain. Aujourd’hui, en Europe, il est question de calculer « le nombre de migrants que l’on acceptera » alors que dans les pays voisins de ces pays en crise, il s’agit de millions d’individus qui viennent s’installer. En effet, à coté de ces millions, les quelques centaines arrivant en Europe ne représente pas grand-chose et pourtant, cela fait peur tout de même. Cependant, ils arrivent, y réfléchir n’est pas assez, trouvez un moyen d’accueillir ces individus qui ont fuis leur pays de force et non par engouement, est un droit humain. Allons-nous honorer ces droits de l’Homme dont on parle souvent ?
Ce qui est nécessaire de saisir c’est que l’être humain est désireux de changement surtout lorsque ses droits élémentaires sont bafoués et ce, peu importe ou il se trouve. Aussi, il s’indigne face aux injustices qu’il subit. D’autres, en majorité, subissent les conséquences d’interventions et d’attaques militaires qu’elles soient de particuliers ou de « coalitions ». Dans les deux cas, que cela soit une attaque ou une intervention, les seuls qui en subiront réellement les conséquences restent les civils. Oui, les premiers concernés devant ces guerres et ces conflits sont des innocents, un élément qui n’est jamais pris en compte lors de grands sommets et rencontres des « pères » de ce monde. Les parents sont censés être des modèles, ils protègent les leurs et leurs donnent toutes les chances d’évoluer dans la vie, d’avoir un avenir en soi. Cependant, ce que nous pouvons observer, c’est que les parents des nations actuelles ont failli à leur rôle. Dorénavant, les enfants sont condamnés à se débrouiller tout seul.
Ce mal être, ces changements, nous le vivons aussi en Occident et plus particulièrement en Belgique. En effet, une étude du Thermomètre-Solidaris a souligné que les jeunes belges de 18 à 30 ans se sentaient mal dans cette société et déçus par cette dernière. L’étude souligne que les inégalités ne cessent d’augmenter ce qui pourrait aussi expliquer cette déception et ce mal de vivre chez les jeunes. La question est de savoir : que va-t-on faire pour leur offrir ce bien-être qu’ils attendent ? Va-t-on les négligés jusqu’à ce qu’ils sortent afin de récupérer leur dignité ?
Le désastre s’exprime un peu partout et d’une manière ou d’une autre. L’engouement est parti, il ne reste plus que la réalité, qui nous est lancé en pleine figure, un chaos, un retour en arrière impossible. Les indignés ne peuvent plus oublier, personne n’oubliera et surtout pas les familles des victimes ou ces réfugiés éparpillés dans le monde vivant dans une situation précaire et toujours sans futur clair. Pendant ce temps, est-ce que les pays se développent ? Est-il possible de regarde vers un avenir ? Ou sont-ils tous coincés dans un présent ? Certes, le fameux carpe diem du très connu poème d’Horace prend tout d’un coup, tout un autre sens, là-bas mais aussi chez nous en quelque sorte…
Ikram Ben Aissa